Ils s'y voyaient
là où les arbres portent des fruits
là où l'eau coule des robinets
où les obus sont le passé...

Marie Pavlenko

Un poème de Marie Pavlenko...

Mer

cambrures intenses

 immenses

camaïeux de bleu ris

ogres affamés dévoreurs d'enfants

les creux noirs indolents  jubilent

en

se

contorsionnant

vagues gonflées qui dansent dans le soir enivrées

le vent furieux arrache de  folles  franges d'écume

les embruns collent  les cheveux au front

doigts engourdis

vêtements  trempés glacés

le soleil court se cacher derrière la terre

la peur  atroce étrangle

- dérisoires gilets de sauvetage

pétales tombés trop loin qui flottent encore

 

ils s'y voyaient

là où  les arbres portent des fruits

là où l'eau coule des robinets

où les obus sont le passé

 

vous reprendrez bien du gâteau?

vague à l'âme

lame de fond

la honte et son manteau poisseux

 

l'eau magnifique se moque des hommes

les cœurs affolés dégringolent

au fond du canot pneumatique

ils pressent les touches  appellent

au secours

help

mayday

aiuto

 

personne

ne

vient

 

les garde-côtes jouent aux cartes

rient parlent à leur femme

commentent le temps

la mer enrage

et toujours  le chant infernal  des vagues

dans la nuit qui arrive souveraine

 

ils s'y voyaient

là où les arbres portent des fruits

là où l'eau coule des robinets

où les obus sont le passé

 

ils crient pleurent

se lèvent

se serrent les uns contre les autres se poussent

tanguent

aiuto

mayday

help

au secours

 

le bateau se retourne

il tombent dans les creux  de six mètres

se débattent

retiennent leurs  enfants happés

ballotés au milieu des vagues mangeuses d'hommes

ils boivent la tasse

s'étouffent crachent toussent se cherchent s'agrippent

se regardent se noyer

 

vous reprendrez bien du gâteau ?

on est si bien au chaud

dans le manteau de la honte

Marie Pavlenko

 

Le poème bientôt mis en voix par ...

Et en vidéo également mais en attendant...

Image par Peggychoucair de Pixabay

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