La voie de l'égalité
Toi, le frère que je n’ai jamais eu, sais tu, si tu avais vécu, ce que nous aurions fait ensemble?
Nous étions trois filles. Trois filles à la maison. Pas de garçon. Pas de frère. Mes parents n’ont pas eu de garçon. Je me demande parfois si c’est pour ça que j’ai eu autant de liberté. Je me demande parfois si c’est grâce à ce frère qui n’est jamais né que j’ai pu ressentir autant de confiance, de confiance au genre féminin, autant de force en tant que fille, autant d’égalité homme femme. Peut-être. Je crois que s’il était né, ce frère, je me serais construite dans la comparaison des genres. Je crois que s’il était né, j’aurais pu me sentir...
Stop. Pas de supposition.
Est-ce que le bonheur d’être femme tiendrait encore à si peu de choses? Est-ce qu’il ne reposerait que sur l’absence d’un frère ?
Non. Bien sur que non. Évidemment que non. Il n'empêche, je crois que pour moi, née dans les années 80, ça a joué quand même un peu.
Le monde change, la société évolue et les consciences se réveillent. Après avoir grandi au milieu de mes sœurs, un jour, j’ai rencontré un frère, qui lui, n’avait pas eu de sœur.
Puis un autre, et encore un autre frère...
Ensemble, on échange, on construit, on dessine un chemin.
On parle d’égalité, on parle de féminin, on parle de masculin.
Je les surprend à calmer mes paroles lorsque je râle contre les hommes. Je les observe lorsqu'ils écoutent mes plaintes.
J’ai l’impression qu’ils comprennent l’injustice, l’injustice de ce monde qui impose quelquefois une place à la femme, qu’elle n’a pas choisie, et dont elle se passerait bien.
Ils m’ouvrent les yeux aussi sur ce que l’homme ressent face à tout ça. Ils m’invitent à regarder toutes ces choses que je ne vois pas et que l’homme doit aussi assumer.
Ensemble, on trace un sentier possible, une voie de l’égalité, dans le respect de chacun, dans le respect de notre humanité.
Hasard du calendrier ou de la vie, ce matin, Martin, au petit déjeuner me dit : « Maman, comment ça se fait que si il y a juste un garçon et cent filles, on dit quand même ils? C’est parce que le masculin est plus important, maman? »
Et Constance qui me regarde en souriant et qui lui répond : « En français, c’est peut-être comme ça, mais pas dans toutes les langues ».
Les enfants partent à l’école, et moi, curieuse, je me mets à fouiller sur internet et je découvre que dans de nombreuses langues, le masculin est le pronom qui l'emporte par défaut.
Il n’existe pas de langue où le féminin l’emporte par défaut. Le féminin ne l’emporte jamais par défaut.
C’est comme ça que c’est noté dans le livre de grammaire.
Je farfouille encore un peu et je découvre la particularité de l'Islandais.
Dans cette langue, il y a les trois genres : féminin, masculin et neutre. Les adjectifs s’accordent, et au pluriel, lorsqu’il y a les deux genres, le neutre l’emporte.
Ça me plait comme idée.
Ce soir quand mes enfants rentreront de l’école, je serai heureuse de leur expliquer que dans notre maison, on applique la grammaire de l’Islande, les êtres s’accordent au singulier, et au pluriel, c’est toujours le neutre qui l’emporte.